Se livrer en tant qu'individu — par exemple sur les rĂ©seaux sociaux ou aux mĂ©dias tant de masse que (dits) alternatifs — signifie Ă la fois se donner dans la forme d'une livraison personnelle et, en quelque sorte, s'emprisonner, si on considĂšre le sens et le fait d'ĂȘtre dĂ©-livrĂ©, c'est Ă dire libĂ©rĂ© de la pression des autres permettant Ă nouveau d'ĂȘtre maĂźtre de soi-mĂȘme et de sa destinĂ©e.
Ainsi, pour me prendre en exemple, le fait que je me livre spirituellement sur ce blog me rend Ă la merci du jugement, favorable ou dĂ©favorable, de tout internaute et co-habitant planĂ©taire, bien que je suis en rĂ©alitĂ© fort bien protĂ©gĂ©, d'abord, par l'anonymat de l'internet en tant que vaste banque de donnĂ©es numĂ©riques oĂč pratiquement tout se perd, ensuite, par le fait que la lecture philosophique n'est pas une (prĂ©)occupation de masse et, finalement, par le fait que j'ai dĂ©sactivĂ© la possibilitĂ© du commentaire par souci de minimiser la tendance Ă l'hostilitĂ© verbale envers laquelle est proie toute pensĂ©e ou action autonome et ce, sans doute, depuis le commencement.
En anglais, livraison, dans le sens oĂč par exemple un paquet est livrĂ©, se dit delivery et la dĂ©livrance, comme celui que Nietzsche prĂ©conisait dans son Ainsi Parlait Zarathoustra au sujet du « ressentiment contre le temps et son « il Ă©tait » », se dit, de façon analogue, deliverance.
La distinction riche-en-pensĂ©e entre se livrer et ĂȘtre dĂ©-livrĂ©, entre la livraison et la dĂ©livrance, est pour moi un joli dĂ©tail de la langue française, d'autant plus qu'elle peut ĂȘtre liĂ©e au livre, l'objet dans lequel l'un s'est livrĂ© pour en dĂ©livrer un autre.
Ainsi, ma livraison Ă moi — puisse-t-elle ou non dĂ©livrer des Ăąmes autres que la mienne — s'intitule ScruffyOwlet's Tree qui, abrĂ©gĂ© en initiales, nous donne le mot : SOT.
Et oui, je suis sot, et fier de l'ĂȘtre.