Saturday, 7 April 2018

French 6: Se livrer — Être délivré


Se livrer en tant qu'individu — par exemple sur les réseaux sociaux ou aux médias tant de masse que (dits) alternatifs — signifie à la fois se donner dans la forme d'une livraison personnelle et, en quelque sorte, s'emprisonner, si on considère le sens et le fait d'être dé-livré, c'est à dire libéré de la pression des autres permettant à nouveau d'être maître de soi-même et de sa destinée.

Ainsi, pour me prendre en exemple, le fait que je me livre spirituellement sur ce blog me rend à la merci du jugement, favorable ou défavorable, de tout internaute et co-habitant planétaire, bien que je suis en réalité fort bien protégé, d'abord, par l'anonymat de l'internet en tant que vaste banque de données numériques où pratiquement tout se perd, ensuite, par le fait que la lecture philosophique n'est pas une (pré)occupation de masse et, finalement, par le fait que j'ai désactivé la possibilité du commentaire par souci de minimiser la tendance à l'hostilité verbale envers laquelle est proie toute pensée ou action autonome et ce, sans doute, depuis le commencement.

En anglais, livraison, dans le sens où par exemple un paquet est livré, se dit delivery et la délivrance, comme celui que Nietzsche préconisait dans son Ainsi Parlait Zarathoustra au sujet du « ressentiment contre le temps et son « il était » », se dit, de façon analogue, deliverance.  

La distinction riche-en-pensée entre se livrer et être dé-livré, entre la livraison et la délivrance, est pour moi un joli détail de la langue française, d'autant plus qu'elle peut être liée au livre, l'objet dans lequel l'un s'est livré pour en délivrer un autre.

Ainsi, ma livraison à moi — puisse-t-elle ou non délivrer des âmes autres que la mienne — s'intitule ScruffyOwlet's Tree qui, abrégé en initiales, nous donne le mot : SOT. 

Et oui, je suis sot, et fier de l'être.